50 sans-papiers sont en grève de la faim à Molenbeek. Leur condition se détériore de jour en jour. Le « front des migrants » continue à mener diverses actions pour une vie digne. Mais Theo Francken n’entend pas leur donner gain de cause. Reportage au cœur d’un combat de longue haleine.
Auteure : Riet Dhont
Date : 30 Décembre 2014
24 décembre, centre ville de Bruxelles. Non loin des visiteurs du marché de Noël, près de 300 personnes chantent, crient, marchent dans les ruelles autour du marché. En même temps, 150 personnes sans-papiers résident depuis le mois de juillet, dans un grand bâtiment vide, à Molenbeek. Une cinquantaine d’entre eux a choisi le chemin de lutte d’une grève de la faim pour obtenir une régularisation.
Il fait très calme, silencieux, un peu lugubre, au rez-de-chaussée, au boulevard Leopold 2, à Molenbeek. Depuis 40 jours, une cinquantaine de demandeurs de papiers, issus du Maroc, de Mauritanie, du Sénégal, du Mali… sont en grève de faim. Ils sont en Belgique depuis longtemps, mais n’ont jamais obtenu des papiers. Pourtant, ils ont travaillé, se sont intégrés dans leur quartier, se sont fait des amis.
Depuis début juillet, ils vivent dans un grand bâtiment vide, avec d’autres demandeurs de papiers, en total plus que 150 personnes.
Pas tous d’eux font la grève, non, une 50 aine ont décidé d’entamer cette forme d’action, pour obtenir une régularisation, des papiers.
Le vendredi 26 décembre, le ‘front d’action migration’ a organisé une conférence de presse, en collaboration avec le CRER, le MRAX, le Kids Parlement. Vincent Cornil, directeur du MRAX, nous explique la situation :
« C’est un point positif que les médias s’intéressent à la situation, justement pour que le monde politique soit au courant de cette action de désespoir. En même temps, cela donne de l’espoir, que leurs revendications soient relayées vers les ministres concernés. Au début de l’action, les grévistes avançaient un seul mot d’ordre : des papiers pour tous les occupants. Maintenant, on fait des dossiers par personne, pour quel critère peut leur permettre de demander la régularisation. Cela peut se faire sur base de critère médical, critère humain, critère d’intégration, etc. C’est un travail minutieux à faire. »
Les docteurs Rita Van Obberghen, de Médecine pour le peuple à Schaerbeek, et Chris Depredomme, de Médecine pour le peuple à Molenbeek, visitent les grévistes deux fois par semaine, pour suivre leur état de santé. « La situation est assez grave et critique. Il y a eu déjà pas mal de personnes hospitalisées, mais ils reviennent après ici dans leur local. Les gens sont décidés d’aller jusqu’au bout, pour obtenir le droit de mener une vie digne. »
Theo Francken reste sourd
Selon la politique du gouvernement Michel-De Wever et de son ministre de l’immigration Theo Francken (N-VA), l’accueil des nouveaux migrants devient de plus en plus difficile voire impossible, vu la restriction au niveau de critères pour obtenir le droit d’entrer ou de rester. Les restrictions concernent le critère ‘soins médicaux’, le critère ‘humain, pays en danger’, le regroupement familial, le critère financier est également de plus en plus exigeant… De l’autre côté, on prévoit plus d’ouverture pour des gens qui peuvent apporter une richesse économique au pays, les riches du monde.
Et cette semaine, Francken vient de donner la mission au CGRA d’allonger la liste des pays « sûrs » afin de freiner davantage les demandes d’asile.
Contre cette politique, une nouvelle force de résistance se crée et s’agrandit de jour en jour.
À Noël, une marche aux flambeaux, avec 300 participants, a traversé le centre de la ville de Bruxelles, avec le slogan central : « Nous ne sommes pas dangereux, nous sommes en danger » mais aussi « ce ne sont pas les immigrés ni les sans-papiers, c’est la loi qu’il faut changer ».
Cette force de résistance regroupe plusieurs collectifs de sans papiers en lutte, comme La Voix des Sans-papiers de Molenbeek, les réfugiés afghans toujours actifs, les réfugiés d’Afrique de l’Ouest qui se regroupent sous le nom Ebola et les sans-papiers qui n’ont pas encore obtenu leur statut depuis la régularisation de 2009.
Ce « front d’action migration » organisera chaque semaine des actions, vers des ministères, vers l’Office des étrangers, vers le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA), vers le monde politique, vers le monde religieux… Une lutte active et solidaire. Le but est avant tout d’obtenir une nouvelle loi de régularisation selon des critères non arbitraires, mais des critères objectifs, définis, pour juger cas par cas la demande de régularisation.
Ce sera un défi pour l’an 2015 : regrouper toutes les forces démocratiques pour avancer dans ce dossier pénible, pour trouver une solution pour ces plus de 100 000 habitants de Belgique, sans visage, sans nom, sans droit d’exister.