Selon Bart De Wever, il faudrait « fermer l’arrière-porte de l’Europe » et envisager un « statut spécial pour les réfugiés ». Entre les lignes : l’Europe n’aurait aucune responsabilité dans la crise actuelle de l’asile, et le patron de la N-VA serait devenu un défenseur de notre sécurité sociale. Ah bon ?
Auteure : Riet Dhont
Jeudi 29 août, invité à l’émission Terzake sur la VRT, le bourgmestre d’Anvers commentait la crise européenne de l’immigration. Selon lui, il faut « fermer l’arrière-porte de l’Europe ». Comprenez : l’Europe et particulièrement la Belgique, n’auraient aucune responsabilité dans les flux migratoires actuels.
Les réfugiés qui arrivent en Belgique fuient la guerre
S’il n’y a jamais eu autant de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est parce qu’il n’y a jamais eu autant de conflits et de guerres.
En ce moment, il y a dans le monde presque 60 millions de réfugiés, le plus grand nombre depuis la Seconde Guerre mondiale. Une partie de ces réfugiés arrive en Europe et en Belgique. D’après les chiffres sur les réfugiés qui arrivent en Belgique, on voit que la plupart viennent de Syrie, ensuite d’Irak, puis d’Afghanistan et de Somalie. Tous fuient la guerre. Ce sont souvent des guerres oubliées comme celle en Irak où des centaines de personnes meurent encore tous les jours, bombardées par l’Etat Islamique ou abattues par des milices sectaires.
En Syrie, c’est le chaos. La population subit les bombardements de l’EI, d’autres groupes rebelles et les ripostes de l’armée syrienne. Plus de 4,2 millions de Syriens sont en fuite, 270 000 d’entre eux ont afflué en Europe. Cela signifie que 4 millions de familles syriennes résident dans les pays voisins comme la Turquie, la Jordanie et le Liban. En plus de cela, plus de 7 millions de familles syriennes sont réfugiées dans leur propre pays.
En Irak, c’est la guerre depuis plus de vingt ans. Les États-Unis et nos pays européens en portent directement la responsabilité. Depuis l’Europe, 320 000 tonnes de matériel de guerre ont été transportées vers cette zone de conflits. Le port d’Anvers en était une plaque tournante. Les bombardiers belges ont été très actifs là-bas. L’Irak est totalement détruit et divisé. 3,1 millions d’Irakiens fuient les attaques de l’EI. Ils fuient principalement vers des régions éloignées de l’Irak même et vers les pays voisins comme l’Iran et le Pakistan. Au cours de l’année dernière, 70 000 Irakiens faisaient une demande d’asile en Europe.
L’Arabie Saoudite armée jusqu’aux dents… par la Belgique
S’il n’y a jamais eu autant de réfugiés depuis la deuxième guerre mondiale, c’est aussi parce qu’il n’y a jamais eu autant de conflits et de guerres. Nos pays européens, avec les États-Unis et l’OTAN jouent un rôle actif dans ces conflits, entre autres en Irak, en Syrie et en Afghanistan. Le Moyen-Orient doit être sous contrôle de l’Occident avec, comme piliers, Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Ces pays reçoivent massivement de l’aide de l’Occident.
La Belgique a fourni pour 1,17 milliard d’armes et munitions à l’Arabie Saoudite, pilier militaire du mouvement salafiste radical
L’Arabie Saoudite a déclenché une guerre au Yémen, mais cela n’a pas empêché les pays européens d’y fournir pour 17,3 milliards d’euros d’armes entre 2008 et 2012. La Belgique y a participé pour 1,17 milliard. Pour l’Arabie Saoudite, la Belgique est le principal fournisseur de munitions et le second fournisseur d’armes légères. L’Arabie Saoudite est armée jusqu’aux dents, malgré le fait qu’elle est un des principaux piliers militaires des mouvements salafistes radicaux depuis des décennies. En mars 2014 une importante mission commerciale est allée en Arabie Saoudite qui n’a pas dit un seul mot sur la très dure répression intérieure.
L’Europe ne doit-elle pas d’abord cesser d’intervenir dans ces conflits ? La Belgique ne doit-elle pas d’abord cesser de fournir des armes à l’Arabie Saoudite ? Tant que ces guerres dureront, il y aura des réfugiés. Même si la Hongrie construit un mur, même si la police intervient durement en Macédoine, même si Bart De Wever veut les arrêter aux frontières de l’Europe…
Bart De Wever surfe sur l’inquiétude sociale en Belgique
Les images des journaux télévisés montrant des familles qui supportent une pluie de coups de matraques pour pouvoir entrer en Europe ne laissent personne indifférent. La solidarité avec les réfugiés augmente, dans de nombreuses villes au nord comme au sud du pays.
Par ailleurs, l’inquiétude augmente aussi. Y aura-t-il encore de l’argent pour les allocations familiales, pour les soins de santé, pour des logements sociaux ? Dans ce climat d’inquiétude, Bart De Wever propose de créer un statut spécial pour les réfugiés. C’est osé : celui qui attaque jour après jour notre sécurité sociale serait devenu tout à coup celui qui veut la défendre.
Y aura-t-il encore de l’argent pour les allocations familiales, pour les soins de santé, pour des logements sociaux ?
Il y a des décennies, tout comme d’autres pays européens, la Belgique a ratifié un traité pour les réfugiés : elle s’est engagée à traiter et à assister les réfugiés régularisés qui résident sur notre territoire de la même façon que ses habitants.
Ainsi les réfugiés régularisés ont le droit d’avoir des moyens d’existence. Ils ont le droit d’avoir une allocation d’existence, (pour le moment sous les normes minimum européennes), une sécurité sociale (mutuelle, allocations familiales…). Ils ont le droit au travail.
Les réfugiés qui ne sont pas encore régularisés (en cours de procédure) ont eux le droit d’être logés, nourris, blanchis. Ils n’ont aucune aide financière et ne peuvent pas travailler. Ils ne reçoivent qu’un accueil, de la nourriture dans un centre d’accueil, ou dans des initiatives locales d’accueil dans les communes, avec l’aide des CPAS. Les personnes sans papiers n’ont aucun droit.
Si De Wever veut introduire un statut à part pour les réfugiés régularisés, que veut-il en fait ? Encore moins qu’une allocation d’existence ? Moins de droit à la protection sociale ? Moins de droit au travail ?
De Wever veut semer la discorde entre la population et les réfugiés. Le statut à part qu’il veut créer sera une catastrophe pour tout le monde. Les gens devront travailler pour des moindres salaires, en noir, dans des conditions inhumaines. Cela mettra la pression sur l’ensemble de la population active.
De Wever veut semer la discorde entre la population et les réfugiés
Le gouvernement avec De Wever comme premier ministre de l’ombre, réalise déjà des économies drastiques sur les allocations de chômage pour les jeunes, sur la subsidiation du secteur social avec comme résultat 15 % de licenciements, ainsi que des économies sur les soins de santé et la sécurité sociale. C’est l’ensemble population qui en est la première victime. L’inégalité entre 99 % de la population qui doit faire rentrer de l’argent et 1 % de la population qui possède toutes richesses devient de plus en plus criante. Et cela, alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent dans le monde. 700 milliards d’euros dorment dans les comptes en banque.
Les réfugiés appauvrissent-ils nos communes et nos CPAS ?
Quand on demande à nos communes d’accueillir une seule famille de réfugiés, elles sont totalement indemnisées pour cela par les autorités fédérales. Le bourgmestre de Wingene (Flandre occidentale) témoignait du fait que la commune épargne même une petite somme là-dessus. L’indemnisation de l’autorité fédérale, à peu près 3 200 euros va directement à la commune. Elle décide alors comment elle accueille et accompagne la famille. L’argent provient d’un fonds spécial de réserve pour l’accueil de réfugiés. Avec cet argent, la famille reçoit un logement, (pas un logement social), une allocation d’existence et l’accompagnement nécessaire pour s’intégrer le plus vite possible, pour chercher du travail et pour scolariser les enfants.