Le séjour précaire comme solution à la crise de l’asile ?

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Le 23 octobre passé, le Conseil des ministres décidait de plusieurs mesures dont l’objectif affiché était d’assurer l’intégration des réfugiés en Belgique. L’intégration de plusieurs milliers de réfugiés, dont nombre d’entre eux sont traumatisés par la guerre et la route migratoire, constitue en effet un défi de taille. Parmi ces mesures se trouve la mise en place d’un séjour temporaire. Une mesure qui risque cependant d’avoir l’effet contraire.

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Auteur : Max Vancauwenberge

Lorsqu’un réfugié arrive en Belgique et qu’il introduit une demande d’asile, il est pris en charge par l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil) en attendant d’être auditionné par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) qui examinera la demande d’asile. Jusqu’ici, si le réfugié pouvait justifier être menacé de mort ou de persécutions à cause de la guerre s’il retournait dans son pays, il recevait le statut de réfugié. Il avait alors le droit de travailler en Belgique comme tout le monde.

À présent, le statut de réfugié sera octroyé pour une période de 5 ans, après quoi la situation du pays d’origine sera de nouveau évaluée. « Si la situation s’améliore sur place, il n’y a pas de raison de rester en Belgique » explique Théo Francken, le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration.

1. La stabilité est essentielle pour l’intégration

En 2012, l’afghan Parwais Sangari était renvoyé en Afghanistan. Arrivé en 2008 et alors âgé de 16 ans, il avait fui son pays après l’assassinat de son père par des extrémistes afghans et l’incendie volontaire de sa maison. Il s’était rapidement intégré en Belgique auprès de sa famille d’accueil. Il avait appris le néerlandais et terminé ses études secondaires. Il avait ensuite trouvé un emploi comme soudeur et avait une amie avec qui il s’apprêtait à fonder un foyer. Mais rien n’y a fait, le CGRA estimant que ses jours ne seraient pas en danger s’ils retournaient en Afghanistan et Maggie De Block refusant de céder devant les nombreuses manifestations de soutien à Parwais Sangari. Il fut renvoyé dans son pays d’origine le 9 juillet 2012, où il ne possédait pourtant plus aucune attache.

Comment les réfugiés pourront-ils s’intégrer sans n’avoir aucune garantie qu’ils pourront rester en Belgique endéans les 5 premières années ? Comment construire une vie sociale riche et oser construire quelque chose avec quelqu’un si vous n’êtes pas sûr de pouvoir rester ensuite ? Et quid de vos enfants s’ils vont à l’école en français ou en néerlandais depuis 5 ans et qu’ils s’y sont fait de nombreux amis ?

Une certaine stabilité et la garantie de pouvoir construire une vie en Belgique sont essentielles pour permettre aux réfugiés de s’intégrer. Sans stabilité, il ne peut y avoir de réelle intégration.

2. Un statut précaire pour un emploi précaire ?

L’étude universitaire d’Andrea Rea (ULB) et de Johan Wets (KUL) qui a porté sur l’ensemble des demandeurs d’asile ayant obtenu le statut de réfugié présents en Belgique entre 2001 et 2010. Il ressort de cette étude que la majorité de ces réfugiés ont trouvé du travail endéans les 4 années.

Mais « essayez donc de trouver un emploi ou un logement avec un statut aussi précaire » demande Els Keytsman, directrice de l’association basée en Flandre active sur la question des réfugiés « Vluchtelingenwerk Vlaanderen ». La mise en place de ce statut risque en effet de rendre plus difficile l’intégration des réfugiés. Un employeur hésitera sans doute à engager quelqu’un qui risque d’être renvoyé ou alors uniquement dans les secteurs d’emplois précaires.

3. Un pays sûr l’Irak ?

Cette mesure semble d’autant plus inquiétante que le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration semble avoir une manière toute personnelle de juger quels pays sont ou ne sont pas en sûr. Alors que les fanatiques de l’Etat islamique sont à 15 kilomètres de Bagdad, il a récemment envoyé une lettre aux Irakiens leur signifiant que leur région était sûre et qu’il ne devait pas entretenir l’espoir de voir leur demande d’asile acceptée. Une décision d’autant plus curieuse que nous avons six avions de combat F-16 engagés en Irak afin de combattre l’État islamique…

En 2013, Aref s’était vu refuser la demande d’asile en Belgique alors qu’il fuyait l’Afghanistan. Le CGRA estimait que sa crainte des Talibans n’était pas crédible. Revenu en Afghanistan, il sera abattu par balles quelques semaines plus tard.

Savoir que son sort tient entre les mains du CGRA qui peut décider que votre crainte n’est pas fondée et que votre pays est sûr ne va certainement pas favoriser votre intégration. C’est au contraire dans la peur que vous vivrez en Belgique.

4. Une mesure d’intégration ou de dissuasion ?

Dimanche dernier, invité à l’émission De Zevende Dag, le Premier ministre de l’ombre, Bart De Wever, expliquait toutes les mesures qu’avait prises le gouvernement afin de limiter l’arrivée des réfugiés. Parmi ces mesures, nous retrouvions la mise en place du séjour temporaire.

Les propos de Théo Francken au Parlement confirment également que toute une série de mesures a pour objectif de dissuader les réfugiés de venir demander l’asile en Belgique. À propos de la lettre qu’il a envoyée aux Irakiens, il explique que « nous observons une forte baisse [des demandes d’asile] […] depuis l’envoi du courrier.  […] Cela relève, me semble-t-il, d’une politique efficace. »

Le raisonnement est simple : en envoyant comme signal aux réfugiés qu’ils ne sont pas les bienvenus en Belgique et qu’il n’y obtiendront qu’un statut précaire, le nombre de demandes d’asile diminuera. Rien n’est cependant moins sûr. Les Pays-Bas, qui accordent déjà un statut de séjour temporaire, accueillent plus de réfugiés qu’en Belgique.

Selon Dirk Van den Bulck, Commissaire général aux Réfugiés et aux Apatrides, « le statut accordé ne s’avère donc pas déterminant pour le choix du pays de destination. »

5. Pour une politique migratoire européenne solidaire et favorisant l’intégration

Admettons que les mesures du gouvernement réussissent à dissuader les réfugiés de demander l’asile en Belgique, est-ce réellement une solution qu’ils aillent dans le pays d’à côté ?

Le « chacun pour soi » des pays européens – avec la Hongrie qui ferme ses frontières et tire sur les réfugiés, l’Autriche qui construit une barrière, etc. – rend la route des réfugiés de plus en plus dangereuse, rajoutant au traumatisme de la guerre. Le traumatisme psychologique que subissent de nombreux réfugiés ne va faire que compliquer leur intégration en Europe.

Nous avons besoin d’une solidarité européenne pour gérer l’arrivée des réfugiés comme le prescrit l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Une répartition des réfugiés au niveau européen doit être mise en place qui tient compte de la population et de la situation économique de chaque pays. Cette « légalisation » de la route migratoire permettra d’éviter la présence de passeurs et de diminuer les traumatismes.

En Belgique, l’accueil des réfugiés doit être garanti et les réfugiés reconnus doivent recevoir un statut définitif leur permettant de s’intégrer pleinement, au niveau professionnel, affectif et culturel, à la vie en Belgique. Loin de leur permettre de s’intégrer, un statut temporaire risque au contraire de rendre leur intégration plus difficile.

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