Quelques jours avant le sommet européen qui a eu lieu ces mercredi et jeudi sur la crise de l’asile, le président de la N-VA et Premier ministre de l’ombre Bart De Wever avait envoyé une lettre aux autres partis européens afin de leur faire savoir son opinion sur cette question. Dans cette lettre, il expose sa « solution » pour résoudre la crise des réfugiés en Europe, qu’il dit intenable.
Auteur : Maxime Vancauwenberge
Bart De Wever clame que la situation devient intenable en Europe et que nous accueillons trop de réfugiés. Il plaide tour à tour pour une modification de la Convention de Genève, une remise en question des missions de sauvetage en Méditerranée, qui encourageraient selon lui les migrants à risquer leur vie, ou encore un renforcement des frontières extérieures de l’Union. Il propose ainsi que l’accueil de ces populations fuyant la guerre s’effectue en zone sûre, mais dans les pays voisins.
« Les pays voisins doivent accueillir les réfugiés » : comme si ce n’était déjà pas le cas monsieur De Wever
Bart De Wever clame que la situation devient intenable en Europe et que nous accueillons trop de réfugiés. Ceux-ci devraient être accueillis dans les pays voisins. S’il est clair que l’accueil de plusieurs centaines de milliers de réfugiés en Europe est un réel défi, il convient de rappeler que la Turquie accueille déjà actuellement plus de 2 millions de réfugiés, le Liban un million et la Jordanie un demi-million.
Le million de réfugiés au Liban représente l’équivalent d’un quart de la population totale du pays. Les 30 000 réfugiés arrivés en Belgique représentent 0,3 % de la population belge. En Allemagne, les 800 000 réfugiés représentent 1 % des 80 millions d’habitants. Au niveau économique, le PIB du Liban est de 44 milliards de dollars, tandis que celui de la Belgique atteint plus de 500 milliards, et celui de l’Allemagne, 3900 milliards.
De plus, si de plus en plus de réfugiés quittent ces pays pour tenter de trouver un refuge en Europe, c’est parce que la situation y devient, là, réellement intenable. Au Liban, les réfugiés n’ont droit à rien. Dans de nombreux cas, il n’y a même aucune structure mise en place pour les accueillir. Seuls 46 % des fonds que les pays européens avaient promis de fournir à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR) pour mettre en place des structures d’accueil dans la région ont finalement été envoyés. Avec comme conséquence concrète que de nombreux réfugiés n’ont plus accès à de la nourriture en suffisance ou à des soins médicaux.
S’il est vrai qu’accueillir 800 000 réfugiés en Allemagne et même 30 000 en Belgique est un réel défi à ne pas sous-estimer, comment Bart De Wever peut-il affirmer que les accueillir en Europe est impossible et défendre que les réfugiés doivent rester dans des pays comme le Liban ? Ce que propose le président de la N-VA, loin d’être une solution, risque surtout d’amener à une nouvelle déstabilisation de la région. Ce qui poussera de nombreuses personnes à fuir à nouveau.
Décourageons les réfugiés de tenter la traversée vers L’Europe : en noyer pour L’exemple ?
Selon le président du parti le plus puissant du pays, les sauvetages de réfugiés dans la mer Méditerranée enverraient un mauvais signal en incitant de nombreux réfugiés à tenter la traversée. Il propose donc de les supprimer.
Nous ne sommes là plus très loin des propos de Filip Dewinter, du parti d’extrême droite Vlaams-Belang, qui affirmait que « l’Europe ne doit pourtant pas faire office de bouée de sauvetage. Au contraire, au lieu de sortir les réfugiés de l’eau, nous ferions peut-être mieux de leur donner une boussole pour qu’ils puissent remettre le cap sur leur pays d’origine ».1
À l’heure actuelle, le nombre de réfugiés qui se noient en tentant la traversée est pourtant déjà de 300 par mois. Mais, désespérés, ils continuent de prendre la mer pour tenter d’atteindre l’Europe. Supprimer les sauvetages en mer risque simplement d’encore augmenter le nombre de noyades.
Pas un mot sur la guerre
Nulle part dans sa lettre, Bart De Wever ne parle finalement des causes qui provoquent l’arrivée des réfugiés syriens. Jamais il ne se pose la question de savoir pourquoi les Syriens ne représentaient en 2008 que 2 % des demandes d’asile en Belgique et pourquoi ils sont aujourd’hui parmi les premiers demandeurs d’asile.2
Selon le président de la N-VA, les réfugiés seraient attirés par la protection sociale existant dans les pays d’Europe du Nord. Mais que ce soit les réfugiés syriens, irakiens ou afghans, ces gens fuient la guerre. Nombre de ceux qui arrivent en Europe faisaient d’ailleurs partie de la classe moyenne, avaient un emploi ou étaient étudiants, et ont dû tout lâcher pour venir.
Cependant, à ce problème, monsieur De Wever n’a aucune solution à proposer. Son ministre de la Défense, Steven Vandeput (N-VA), est au contraire partisan d’une nouvelle intervention en Syrie. Pourtant, même Tony Blair, l’ex-premier ministre britannique de 1997 à 2007 qui a participé à toutes les interventions de l’OTAN dans la région pendant son mandat, reconnaissait il y a quelques semaines qu’il portait une responsabilité dans le développement de groupes terroristes dans la région. Que ce soit en Irak, en Afghanistan ou en Libye, chacune des interventions occidentales a été un fiasco et un terreau fertile pour le développement des groupes terroristes qui déstabilisent aujourd’hui la Syrie.
La « solution » de Bart De Wever est un boomerang qui va nous revenir encore plus fort
Accueillir autant de réfugiés est un réel défi pour l’Europe, et encore plus pour les pays de la région qui en accueillent encore beaucoup plus. La solution de De Wever, qui consiste simplement à reporter ce problème aux frontières de l’Europe sans avoir la moindre ambition pour régler les causes de ces migrations, va encore aggraver la crise des réfugiés.
Avec De Wever, les guerres vont continuer et la crise des réfugiés va complètement déstabiliser la région. Sa « solution » va peut-être diminuer le nombre de réfugiés à court terme – et encore, rien n’est moins sûr –, mais va nous conduire vers une crise encore plus grande dans les années à venir.
De vraies solutions sont nécessaires pour répondre à cette crise des réfugiés. Des solutions qui s’attaquent d’abord aux causes, en investissement massivement dans la paix et dans des solutions négociées dans le cadre de l’ONU, plutôt que dans des interventions militaires qui n’ont fait qu’empirer la situation sur place. Au niveau de l’accueil, c’est une Europe de la solidarité et de la coopération dont nous avons besoin, qui accueille et répartit le nombre de réfugiés en fonction de la situation démographique et socio-économique de chaque pays. C’est seulement de cette manière que nous pourrons permettre aux gens de ne plus devoir fuir leur pays et de permettre à ceux qui fuient de pouvoir s’intégrer dans leur pays d’accueil.
1. Séance plénière du Parlement, 18 juin 2015. • 2. Myria, La migration en chiffres et en droits, 2015, p. 66