La crise des réfugiés : suite et fin ?

Depuis le 20 mars 2016, suite à l’accord passé le 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie, les réfugiés qui tentent de traverser la mer Égée pour atteindre la Grèce sont enfermés dans des centres de détention situés sur les îles grecques avant d’être renvoyés en Turquie. Le 4 avril, date à laquelle est écrit cet article, et pour la première fois, 250 réfugiés ont été renvoyés malgré l’opposition de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) ainsi que de celle d’Amnesty International.

John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International a déclaré : « Tout à leur hâte de sceller leurs frontières, les dirigeants de l’UE ont délibérément fermé les yeux sur un fait très simple : la Turquie n’est pas un pays sûr pour les réfugiés syriens et la situation se dégrade en outre de jour en jour. » Et le dernier rapport de cette section d’Amnesty rapporte que la Turquie refoule chaque jour vers des zones de guerre des centaines de réfugiés syriens, y compris des enfants séparés de leurs parents et des femmes enceintes76. Dans les centres où sont détenus les réfugiés qui ont tenté la traversée, la porte-parole de l’UNHCR, Melissa Fleming, indique que « de nombreux aspects des systèmes de réception et de traitement des demandes d’asile, déposées par les personnes ayant besoin d’une protection internationale, demeurent inopérants ou absents », que « des personnes dorment en plein air et [que] l’approvisionnement alimentaire est insuffisant » et enfin que « de nombreuses familles ont été séparées, avec des proches désormais dispersés à travers la Grèce — une cause d’inquiétude supplémentaire en cas de début des retours77 ».

La situation n’est pas meilleure pour les 46 000 réfugiés coincés en Grèce depuis que la frontière entre la Grèce et la Macédoine a été fermée, avec l’aide de l’UE. De nombreux témoignages dénoncent la violence des gardes-frontières macédoniens qui n’hésitent pas à briser les membres de ceux qui tentent de passer. Isabelle Bouton, infirmière à Médecins du Monde, témoigne du sort réservé par la police macédonienne à un réfugié syrien : « Ils l’ont tabassé sur une chaise et l’ont humilié. Ils l’ont renvoyé ici dans un état épouvantable. Il se cachait sous la table d’auscultation en hurlant. Il se balançait sans arrêt78. »

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment expliquer que la chancelière allemande Angela Merkel, qui s’est, dans un premier temps, montrée favorable à l’accueil des réfugiés, soit finalement devenue la principale promotrice de l’accord du 18 mars entre l’UE et la Turquie ? Existe-t-il des solutions à cette crise des réfugiés ? Cet accord va-t-il la résoudre ?

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Auteur : Max Vancauwenberge

Le miroir à retardement de nos guerres

Fuir la guerre

Ce que les survivants des attentats de Paris et de Bruxelles ont vécu, les réfugiés l’ont affronté avant de fuir, à une échelle encore plus grande pendant des mois, voire pendant des années.

« La guerre est un cauchemar : on est dans un autre monde, sur une autre planète. Seul. C’est étouffant. Partout autour de toi, il y a du sang, la mort, la destruction. On voit beaucoup d’amis, de membres de sa famille mourir devant ses yeux. On a la langue nouée, on n’arrive pas à parler. Pas un seul mot. On n’est plus rien. C’est un mensonge de dire qu’on est heureux ici, chacun souffre. Il n’y a ni aide ni soutien79 », raconte Jivara Ali, une Syrienne de quarante ans qui a fui son pays après la mort de ses deux enfants de sept et dix ans dans une explosion.

La majorité des réfugiés arrivés en Europe en 2015 proviennent en effet de pays en guerre. Sur 1,3 million de réfugiés, 30 % étaient syriens, 14 % afghans et 10 % irakiens80. Une situation que le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Théo Francken, est d’ailleurs obligé de reconnaître lorsqu’il affirme qu’il s’agit d’une majorité « de personnes […] qui fuient la violence dans leur pays81 ».

Les richesses contenues dans le sous-sol du Moyen-Orient, qui possède 50 % des réserves mondiales de pétrole et 40 % des réserves de gaz, ont depuis longtemps été la source de beaucoup de malheurs pour sa population, car cela a fait du contrôle de la région une priorité pour les membres de l’Otan, États-Unis en tête.

Les interventions militaires en Irak (1991), en Afghanistan (2001), en Irak (2003) et en Libye (2011) ont provoqué le chaos dans la région, devenue un terreau fertile pour le développement de nombreux groupes terroristes, dont Daech est le plus connu. En Syrie également, les gouvernements occidentaux ont joué un rôle dans l’effondrement de l’État, en soutenant et poussant divers groupes à prendre les armes contre le régime. Le responsable belge et chef de groupe des libéraux européens, Guy Verhofstadt, déclarait : « Selon moi, une des choses qui doit être faite, c’est aider matériellement et techniquement toutes les organisations en Syrie qui luttent contre le régime », évoquant « les moyens de communication et, peut-être, les armes82 »83.

Cette volonté de contrôler la région explique pourquoi ces pays soutiennent l’Arabie saoudite, bien qu’elle soit loin d’être un exemple en matière de démocratie et bien qu’elle joue aussi un rôle dans la déstabilisation du Moyen-Orient, le roi Salman ayant une longue histoire de soutien à des groupes fondamentalistes violents. Et cela n’empêche pas les États européens, dont la Belgique, à continuer de lui vendre des armes. Le volume des ventes d’armes au cours de ces cinq dernières années est le plus élevé depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis étant le premier vendeur d’armes au monde, la France et l’Allemagne étant respectivement quatrième et cinquième vendeurs mondiaux. L’Arabie saoudite, pays de 30 millions d’habitants, soit un peu plus que le Benelux, fait partie des plus grands acheteurs mondiaux puisqu’il occupe la troisième place pour les dépenses militaires, derrière les États-Unis et la Chine, mais devant la Russie. Le 25 février 2016, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à un embargo sur les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite. Presque au même moment, le président français, François Hollande, remettait la Légion d’honneur au prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Nayef, dont le royaume est devenu le plus gros acheteur de matériel militaire français84.

Fuir la situation intenable dans la région

La majorité des réfugiés au Moyen-Orient sont des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et ceux qui ont quitté leur pays se sont majoritairement installés dans des pays limitrophes : sur les douze millions de Syriens fuyant la guerre, 8 millions se sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays. Les quatre millions qui ont quitté la Syrie ont majoritairement trouvé refuge en Turquie, au Liban ou en Jordanie85. Quant à l’Europe, c’est la première fois qu’elle est confrontée aux conséquences des guerres dans la région. Par contre, cela fait plusieurs années déjà que le Liban, la Jordanie et la Turquie subissent cette situation, alors que ces pays ne sont pas signataires de la Convention de Genève et ne sont donc pas tenus d’accueillir les réfugiés de guerre.

Au Liban, qui accueille plus d’un million de réfugiés pour une population de quatre millions d’habitants, leur présence provoque peu de réactions de la part des autorités. Malgré l’urgence, aucun camp n’a été construit et les réfugiés sont livrés à eux-mêmes. Selon l’UNHCR, seulement 100 000 enfants sur 400 000 y sont scolarisés86. De nombreux réfugiés résident illégalement au Liban et les autres doivent payer 200 dollars tous les six mois afin de pouvoir rester sur le territoire. Il leur est interdit de travailler, mais, confrontés au manque d’aide humanitaire, au coût du permis de séjour et au coût du loyer, de nombreux Syriens sont obligés de travailler illégalement, au risque de se faire arrêter87.

La Jordanie accueille 630 000 réfugiés. Le pays possède une certaine expérience en la matière, ayant dû accueillir de nombreux réfugiés irakiens fuyant la guerre en 1991 et en 2003. Six camps y ont été construits, dans lesquels l’UNHCR assure leur enregistrement et la distribution des services. Les deux plus grands camps, les camps de Zaatari et Azraq, destinés à accueillir respectivement 120 000 et 150 000 personnes, deviennent peu à peu des bidonvilles en plein désert88.

La Turquie a jusqu’ici accueilli 2,7 millions de réfugiés syriens. N’étant pas signataire de la Convention de Genève89, elle n’octroie pas le statut de réfugiés aux Syriens qui n’ont donc pas d’accès légal au marché du travail. La grande majorité d’entre eux sont obligés de travailler illégalement, souvent pour un salaire qui est la moitié de celui de leurs collègues turcs. Seuls 25 % des enfants syriens sont scolarisés et la majorité d’entre eux ont déjà au moins deux années de retard dans leur scolarité.

L’UNHCR indique que cette absence de perspective d’avenir est une raison importante pour laquelle de nombreux réfugiés tentent la traversée vers l’Europe90. Parmi eux, de plus en plus de femmes et d’enfants : ils ne représentaient que 27 % des réfugiés arrivant en Europe en juin 2015, mais ils étaient 55 % en janvier 2016. Cette évolution montre la gravité de la situation. Dans un premier temps, les familles préfèrent envoyer l’homme tenter la dangereuse traversée vers l’Europe, mais la situation intenable des réfugiés en Turquie pousse de plus en plus de femmes et d’enfants à tenter la traversée à leur tour. Une route sur laquelle les réfugiés sont victimes des passeurs qui les exploitent, mais aussi des violeurs et des pédophiles qui viennent profiter de la situation. Fin octobre, on estimait que 60 à 80 % des jeunes femmes avaient été abusées au cours de leur voyage91.

De la crise des réfugiés àla crise européenne

Les plans de la Commission prennent l’eau et les frontières se ferment

À l’heure actuelle en Europe, avec le règlement Dublin III, c’est l’État dans lequel le demandeur d’asile a été enregistré pour la première fois qui est chargé de son accueil. En pratique, cela fait porter le poids de l’accueil des réfugiés presque entièrement sur les pays périphériques comme la Grèce. En août, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, prévenait déjà que « ce problème nous dépasse. La Grèce est un pays qui subit une crise économique et fait face à une crise humanitaire dans la crise92. »

Le 22 septembre 2015, au moment où l’arrivée des réfugiés en Europe est la plus forte, la Commission européenne affirme être parvenue à un accord entre tous les États membres afin de relocaliser les réfugiés depuis la Grèce vers les autres États. Cet accord ne porte cependant que sur 160 000 réfugiés alors que 1,3 million de réfugiés sont finalement arrivés en Europe tout au long de l’année 2015. De plus, cet accord lui-même ne sera jamais mis en œuvre, puisque seulement 937 relocalisations ont été effectuées jusqu’ici93. Bien au contraire, de nombreux États membres rétablissent des contrôles aux frontières, voire les ferment totalement pour certains.

Sauver Schengen !

Avec le rétablissement des contrôles aux frontières, c’est l’espace Schengen qui se trouve menacé. L’espace Schengen, créé en 1985 par l’Allemagne, la France et le Benelux, est un territoire sans frontières, ce qui permet la libre circulation des marchandises et des hommes. La création de cet espace a été fortement encouragée par l’Allemagne, dont les entreprises exportatrices pâtissaient du manque de fluidité des routes européennes. Par la suite, cet espace s’agrandira et il compte à l’heure actuelle 26 pays94.

Pour les entreprises allemandes en particulier, la sauvegarde de l’espace Schengen est essentielle. Une étude de la Commission européenne, publiée en mars 2016, indique que le coût direct et immédiat du rétablissement des frontières serait compris entre 5 et 18 milliards d’euros par an. Les pays exportateurs comme l’Allemagne et les Pays-Bas seraient les plus touchés par la fermeture des frontières. À moyen terme, indique la Commission, la compétitivité des entreprises européennes en serait affectée95.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, très proche de la chancelière allemande tout au long de cette crise, fera dès lors de la sauvegarde de l’espace Schengen sa priorité. Certains représentants de la Commission l’expriment clairement. Pour le premier vice-président de la Commission Frans Timmermans : « L’espace Schengen est l’une des réussites les plus appréciées de l’intégration européenne, et le prix de sa désintégration serait considérable. Nous visons clairement à obtenir le plus rapidement possible la levée de tous les contrôles aux frontières intérieures, au plus tard en décembre 2016. […] Nous devons mettre intégralement en œuvre les mesures prévues dans notre feuille de route, pour renforcer le contrôle à notre frontière extérieure et améliorer le fonctionnement de notre régime d’asile. Nous devons également continuer à œuvrer avec la Turquie à la mise en œuvre complète du plan d’action commun et à la réduction sensible du flux des arrivées96. » Le commissaire pour la migration, Dimítris Avramópoulos, va dans le même sens : « Notre feuille de route présente la démarche commune que nous devons engager dès à présent pour rétablir le plus vite possible le fonctionnement normal de l’espace Schengen, ce qui requiert un ensemble de mesures importantes. D’abord et avant tout, les États membres doivent tous appliquer les règles en vigueur […]. Ensuite, nous devons remédier aux manquements graves constatés à nos frontières extérieures […]. À cet effet, il faut que les États membres adoptent sans retard la proposition de créer un corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes que la Commission a présentée en décembre […]. Il est temps à présent que les États membres unissent leurs efforts dans l’intérêt commun pour préserver l’un des plus beaux accomplissements de l’Union97. »

« L’un des plus beaux accomplissements de l’Union » dont parle ici le commissaire européen à la migration n’est pas la Convention de Genève permettant aux familles fuyant la guerre de demander une protection dans un autre État. Il s’agit uniquement de l’espace Schengen que l’accord avec la Turquie a pour objectif de sauver.

Le push back avec l’aide de la Turquie

Le plan Merkel-Rutte

Comme ce sont l’Allemagne et les Pays-Bas qui ont le plus à perdre si l’espace Schengen venait à disparaître, il n’est pas étonnant de retrouver à la manœuvre Angela Merkel et Mark Rutte, Premier ministre néerlandais et président du Conseil européen, pour dégager un accord avec le Premier ministre turc, Ahmet Davutoğlu, la veille du sommet entre l’UE et la Turquie.

Le préaccord entre Merkel, Rutte et Davutoğlu est accepté lors de ce sommet, les 17 et 18 mars 2016. La Turquie s’engage à bloquer tous les réfugiés sur son territoire en échange de six milliards d’euros. En contrepartie, l’UE envisage la possibilité pour les citoyens turcs de voyager en Europe sans visa ainsi que la réouverture des négociations pour l’accès de la Turquie à l’UE.

Transformer les îles grecques en centres de détention pour réfugiés

Cet accord consiste dans les faits à transformer les îles grecques en centres d’enregistrement pour les réfugiés qui tentent la traversée depuis la Turquie vers la Grèce. Une fois dans ces centres, où ils sont détenus, les réfugiés pourront déposer leur demande d’asile qui suivra une procédure accélérée d’une dizaine de jours au maximum, contre une durée normale de plusieurs mois comme c’est le cas en Belgique. En réalité, si la procédure peut aller si vite, c’est parce que l’accord prévoit que chaque personne arrivant en Grèce depuis les côtes turques sera renvoyée en Turquie.

L’UNHCR a déjà annoncé qu’elle se retirait de ces centres d’accueil transformés en prison, en signe de protestation face à la détention des réfugiés98. L’agence des Nations unies indique également que « de nombreux aspects des systèmes de réception et de traitement des demandes d’asile déposées par les personnes ayant besoin d’une protection internationale demeurent inopérants ou absents99 ». Enfin, le nombre de réfugiés détenus dépasse déjà les capacités des centres de détention. « Des personnes dorment en plein air et l’approvisionnement alimentaire est insuffisant. L’anxiété et la frustration sont courantes. Pire encore, de nombreuses familles ont été séparées, avec des proches désormais dispersés à travers la Grèce — une cause d’inquiétude supplémentaire en cas de début des retours », a déclaré Melissa Fleming100.

Entre-temps, la Macédoine a également fermé sa frontière avec la Grèce, y coinçant ainsi 46 000 réfugiés qui attendent désespérément l’ouverture de la frontière. C’est dans le camp d’Idomeni, situé à la frontière et où se trouvent 12 000 réfugiés, que la situation est la plus catastrophique. Pour les empêcher de continuer leur chemin vers le nord de l’Europe, deux chars macédoniens sont présents ainsi que de nombreux gardes, la police les bat et les gaze, et nombreux sont ceux qui ont eu les os brisés par la police en tentant de passer. Le camp lui-même est complètement délaissé par les autorités grecques. Les soins et la nourriture sont fournis par les ONG101.

Renvoyer tous les réfugiés en Turquie

Une fois leur demande d’asile refusée, les réfugiés seront renvoyés en Turquie. Les premiers bateaux renvoyant les réfugiés sont partis le 4 avril. Pour Amnesty International, il s’agit d’ « expulsions collectives de réfugiés vers la Turquie102 ». Cela est rendu possible parce que l’accord considère à présent la Turquie comme un pays sûr pour les réfugiés, malgré le fait qu’ils n’y soient toujours pas reconnus comme réfugiés au sens de la Convention de Genève. C’est pourquoi le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) s’oppose également à cet accord et affirme que « la Turquie […] n’offre qu’un statut de “réfugié conditionné” pour les non-Européens, pratique le refoulement envers les Syriens bloqués à la frontière et ne respecte pas les droits fondamentaux des réfugiés sur son sol. La Turquie ne peut clairement pas être considérée comme un “pays tiers sûr” au sens même du droit européen. » En Turquie également, des voix se font entendre pour dénoncer cet accord, plusieurs experts et avocats affirment que la Turquie ne possède pas de système d’asile permettant d’accueillir autant de réfugiés.

Les dirigeants européens ont également ignoré le rapport accablant d’Amnesty International publié en décembre dernier, qui accusait l’UE de se rendre complice de graves violations des droits de l’homme103. Les centres « d’accueil » financés par l’UE en Turquie seraient en fait des centres de détention où des centaines de réfugiés sont détenus illégalement et dans le plus grand secret, sans aucun moyen de prévenir leurs familles. Certains auraient été menottés pendant des jours, frappés et ensuite reconduits de force dans le pays qu’ils avaient fui. « Nous avons déjà exposé le fait que les autorités turques ont détenu et maltraité des gens en les mettant dans des camps financés par l’UE. Personne n’a rien dit. Au contraire, on leur confie plus de monde. Le prétexte est le suivant : “Ce n’est pas en Europe, donc il n’y a pas les mêmes obligations ni un mécanisme de contrôle, donc on s’en fout” », fustige Amnesty104. Un nouveau rapport105, publié par Amnesty le 1er avril, indique que les autorités turques refoulent une centaine de réfugiés chaque jour vers la Syrie. « Les expulsions forcées vers la Syrie sont illégales, que ce soit en vertu du droit turc, européen ou international », rappelle Amnesty. Et si la Commission européenne a affirmé enquêter sur ces accusations, les premiers renvois de réfugiés vers la Turquie ont cependant commencé.

Une agence européenne des frontières et des gardes-côtes

Pour éviter que les réfugiés ne continuent à tenter la traversée de la mer Égée, trois navires de l’Otan y ont pris position et des moyens supplémentaires vont être octroyés à Frontex, l’organisation chargée du contrôle des frontières européennes. Cette dernière a déjà souvent été accusée par de nombreuses ONG de pratiquer le refoulement en mer de réfugiés de guerre, en violation des règles internationales106.

Une opération baptisée Poséidon est actuellement en cours. C’est la plus importante dans l’histoire de Frontex. Sa priorité est de faire fonctionner les centres de détention en Grèce qui enregistrent les demandeurs d’asile. Dans ce cadre, près de deux cents officiers de surveillance des frontières ont été déployés ainsi que quatorze bateaux, un hélicoptère et un avion107. Le budget de Frontex, qui s’élevait à 114 millions en 2015108 devrait atteindre 330 millions en 2020109 tandis que le personnel passera de 309 personnes en décembre 2015 à 385 fin 2016.

Le changement majeur se situe dans l’évolution de Frontex en une agence européenne des frontières et des gardes-côtes qui devrait commencer à intervenir d’ici septembre 2016. Alors que Frontex était plutôt une agence de coordination et de soutien des gardes-côtes nationaux, qui restait soumise à la souveraineté de chaque État membre pour ses interventions, cette agence possédera le droit d’intervenir en cas de dysfonctionnement dans le contrôle des frontières extérieures. Profitant de la crise des réfugiés, l’establishment européen étend ainsi encore un peu plus le pouvoir de la Commission européenne en direction d’un appareil d’État supranational.

« Un pour un » : la réinstallation des réfugiés syriens en Europe

L’accord entre l’UE et la Turquie prévoit également que, pour chaque réfugié syrien renvoyé depuis les îles grecques vers la Turquie, un réfugié syrien sera accueilli en Europe depuis la Turquie. C’est le principe du « Un pour un ». À travers cet accord, « nous voulons casser le modèle d’affaires des passeurs110 », explique la chancelière allemande, affirmant que les réfugiés arrêteront de tenter la traversée en mer s’ils peuvent accéder à l’Europe de manière sûre et légale.

Mais ce principe du « Un pour un » n’est qu’un vœu pieux, car il englobe un maximum de 72 000 réfugiés seulement et n’est d’autre part valable que pour les Syriens. Or, pendant le seul mois de janvier 2016, près de 70 000 réfugiés étaient déjà arrivés en Grèce et 90 % d’entre eux étaient de nationalité syrienne, mais aussi irakienne ou afghane. Et pour l’année 2015, les réfugiés syriens arrivés en Europe étaient à eux seuls 376 692111. De plus, cet accord pour 72 000 réfugiés n’est par ailleurs même pas contraignant, et on ne voit pas pour quelles raisons il serait mieux respecté que les accords précédents.

Cependant, alors qu’un peu moins de mille réfugiés arrivaient encore chaque jour sur les côtes grecques au début du mois de mars 2016, ils n’étaient plus qu’une petite centaine à la fin du mois112. Cela permet aux dirigeants européens de dire que l’accord est un succès. Mais dans la réalité, la route migratoire s’est simplement déplacée vers la Libye. Au moment où le nombre de réfugiés arrivant en Grèce diminuait, il augmentait en Italie, avec 1 500 arrivées en l’espace de deux jours113. La seule différence est que la route entre la Libye et l’Italie est plus chère et nettement plus dangereuse. Loin de mettre fin au trafic des passeurs, cet accord risque au contraire de leur permettre de faire encore plus de bénéfices. Et un accord comparable à celui passé avec la Turquie n’est par ailleurs pas envisageable avec la Libye au vu de la situation politique chaotique qui y règne suite à l’intervention militaire occidentale, à laquelle la Belgique a participé en 2011.

La convention de Genève contre la logique de marché

Tout comme celle des autres États européens, la politique migratoire belge a toujours été dictée par les besoins des entreprises, l’immigration étant considérée comme légitime uniquement si elle est bénéfique pour ces dernières. En 1947, en pleine période de reconstruction, des travailleurs italiens ont ainsi été recrutés par la Fédération des charbonnages pour le travail dans les mines, avec pour objectif de pouvoir disposer d’une force de travail moins chère que celle existant en Belgique. Puis, dans les années 60, des bureaux de recrutement ont été ouverts au Maroc et en Turquie afin de recruter des travailleurs marocains et turcs. Cette immigration choisie et sélective a pris fin avec l’éclatement de la crise économique en 1973 et avec l’augmentation du chômage. Les entreprises n’ayant plus besoin d’aller chercher de la main-d’œuvre supplémentaire, les frontières se sont refermées.

Cependant, au début des années 2000, elles se rouvrent pour certains migrants qui correspondent aux besoins des multinationales européennes. En 2005, la Commission définit un Programme d’action relatif à l’immigration légale114 qui donnera naissance à plusieurs directives européennes. Nous pouvons lire dans ce programme qu’ « au cours des dernières décennies, les flux migratoires ont fortement progressé » à cause des « écarts économiques » entre les régions du monde, mais également à cause « de problèmes d’instabilité politique » et que cependant l’UE souhaite « gérer efficacement les flux migratoires », pour « répondre aux besoins actuels et futurs du marché du travail et ainsi assurer la pérennité de l’économie et de la croissance ». En clair, même si de nombreuses personnes fuient à cause de l’instabilité économique et politique dans leur pays, l’UE veut pouvoir sélectionner uniquement ceux qui conviennent aux besoins des entreprises.

Quatre directives ont été mises en place. La première, adoptée en 2009, est la directive « carte bleue » qui a pour but d’attirer les migrants hautement qualifiés115 en leur permettant de recevoir un permis de travail et de séjour, ainsi que le droit au regroupement familial. Pour ceux qui ne sont pas hautement qualifiés, la directive « guichet unique et droit » est adoptée fin 2011. Elle offre en théorie une égalité de droits entre travailleurs migrants et travailleurs nationaux, mais engendre en réalité une inégalité flagrante : le permis de séjour de ces travailleurs migrants est en effet conditionné au fait de posséder un emploi, les mettant ainsi dans un état de dépendance important par rapport à leurs employeurs. Cet état de dépendance et le fait que ces travailleurs viennent souvent de pays pauvres les rendront moins revendicatifs que les travailleurs nationaux quant aux conditions de salaire et de travail.

Une troisième directive concerne des migrants peu qualifiés, employés pour le travail saisonnier, entre autres dans l’agriculture ou le bâtiment. Cette directive offre relativement peu de droits et protège peu par rapport à l’employeur auquel elle permet de disposer d’une main-d’œuvre flexible. Enfin, une dernière directive a été mise en place offrant des conditions très favorables au personnel diplômé des sociétés transnationales116.

L’Agenda européen en matière de migrations, adopté par la Commission européenne sous la présidence de Jean-Claude Juncker, poursuit et amplifie cette orientation. Dans la compétition avec les « autres économies pour attirer les travailleurs possédant les compétences dont elle a besoin », l’UE veut notamment améliorer la directive « carte bleue » afin de « la rendre plus efficace pour attirer des talents en Europe », « par exemple, [en] y inclu[ant] les chefs d’entreprise qui souhaitent investir en Europe117. »

La Convention de Genève ne s’inscrit pas dans cette logique de marché, du moins pour une partie des migrants. Mise en place en 1951, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle donne en effet à toute personne persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance sociale ou de ses opinions politiques le droit de recevoir l’asile et d’être protégée par un autre État. L’autorisation de se rendre dans un autre pays n’est donc pas déterminée par le besoin des grandes entreprises, mais par la situation dans laquelle se trouvent les personnes.

Alors que la signature de la Convention de Genève avait bénéficié de la phase historique ouverte au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle certains pans de l’économie avaient été retirés de la logique de marché, de nombreuses entreprises publiques nationalisées et la sécurité sociale mise en place, la remise en cause de cette Convention se situe dans une phase commencée dans les années 80 avec la montée du néolibéralisme, qui revient sur les conquêtes sociales et démocratiques et reprivatise ce qui avait été nationalisé après la guerre.

Car dans les faits, l’UE remet désormais en cause la Convention de Genève. D’ailleurs, la N-VA demande ouvertement la « modernisation » de cette Convention avec pour objectif que seul le marché règle l’immigration.

Tableau 1. La migration choisie et les refugiés de guerre

Année

Migrants « économiques » choisis par l’UE pour des raisons de travail118

Demandes d’asile119 « Convention de Genève » en Europe120

2014

572.414

627.780

2013

534.214

432.055

2012

480.958

336.015

2011

523.862

309.820

2010

791.461

260.835

2009

648.958

266.395

2008

786.892

226.330

Total

4.338.759

2.459.230

Source : Eurostat.

Alors que le nombre de migrants « économiques » choisis par l’UE est important, c’est seulement lorsqu’il s’agit de réfugiés de guerre que l’accueil devient « impossible » et « intenable » aux yeux de nombreux dirigeants européens. Contrairement au mythe selon lequel elle s’opposerait à la migration économique, mais accueillerait les migrants fuyant la guerre, l’UE s’oppose uniquement aux migrants qui ne permettent pas à ses multinationales de faire des bénéfices immédiats et souhaite choisir ceux qui leur seront utiles.

Les besoins des grandes entreprises ne sont cependant pas le seul facteur expliquant la politique migratoire des États. D’autres facteurs, plus politiques, existent également. Les migrants peuvent ainsi facilement être utilisés comme boucs émissaires, attirant sur eux la colère de la population face à la pauvreté et aux inégalités grandissantes. Alors qu’elle est, au sein du gouvernement belge, le fer de lance permettant de détricoter la sécurité sociale, la N-VA en devient le grand défenseur lorsqu’il s’agit de la « protéger » des réfugiés. Le 21 septembre 2015, la députée N-VA Sarah Smeyers a déposé à la Chambre (parlement fédéral) une proposition de loi visant à limiter l’octroi d’allocations familiales aux réfugiés. Or, le montant total de cet octroi s’élevait à 6 millions d’euros en 2014, ce qui représente une goutte d’eau dans le budget annuel de 80 milliards d’euros de la sécurité sociale. En plus, la N-VA s’était « trompée » (sic) de niveau de pouvoir en introduisant sa proposition de loi au niveau fédéral et non au niveau communautaire, compétent pour les allocations familiales121. Entre-temps, le mal était fait, car des semaines durant, la N-VA affirmera que « l’afflux actuel de demandeurs d’asile aura un coût non négligeable pour la sécurité sociale122 ». C’est évidemment une diversion idéale alors que les grandes entreprises en Belgique continuent de profiter de milliards de cadeaux fiscaux généreusement octroyés par la N-VA et consorts et que les plus riches familles de Belgique détournent des milliards d’impôts au Panama.

De Wir schaffen das au push back

Nous avons déjà vu pour quelles raisons, après avoir défendu durant plusieurs mois un plan de répartition européen des réfugiés, la chancelière allemande a finalement été la principale promotrice de l’accord permettant de les renvoyer en Turquie. Un autre point reste à éclaircir : pourquoi, en 2015, la dirigeante de la CDU s’était-elle tout d’abord présentée comme le principal soutien à leur accueil en Europe ?

Il y a eu sans aucun doute des raisons politiques de sa part, comme la volonté de redorer son image après son intransigeance dans le dossier grec pendant l’été 2015. Mais elle a pu voir également dans la crise des réfugiés une nouvelle opportunité de renforcer l’État supranational européen en construction, en mettant sur pied une politique européenne de l’immigration et en lui octroyant plus de compétences en matière de contrôles aux frontières, domaine qui touche directement à la souveraineté des États et qu’elle sait très sensible.

Il existe également une raison démographique à la politique d’accueil qu’elle avait adoptée : la population allemande diminue et les multinationales allemandes voient l’arrivée des réfugiés comme une opportunité d’augmenter l’offre de main-d’œuvre et de faire ainsi pression sur les salaires123. L’augmentation du nombre de travailleurs en concurrence pour le même poste de travail tend en effet à gonfler ce que Marx appelait « l’armée industrielle de réserve » et permet de faire pression à la baisse sur les salaires. Elle permet également de contourner le mouvement ouvrier, car ces réfugiés, trop heureux de pouvoir travailler, sont moins revendicatifs que les travailleurs nationaux et peu au fait des législations sociales en matière de travail124. Merkel s’en est d’ailleurs à peine cachée, affirmant elle-même que ces réfugiés allaient contribuer à l’économie allemande125, alors même que, selon la Convention de Genève, le critère économique n’a pas à être retenu pour l’accueil des réfugiés.

Cependant, la montée des partis nationalistes ou d’extrême droite, qui s’opposent partout en Europe à l’accueil des réfugiés, a conduit à l’échec des solutions proposées dans un premier temps par la Commission européenne et par la chancelière allemande. Entre accueillir des réfugiés et sauver l’espace Schengen, les entreprises allemandes et Merkel n’ont pas tardé à choisir la deuxième solution. D’autant que le niveau d’éducation des réfugiés syriens n’a pas été à la hauteur des attentes des entreprises, qui pensaient pouvoir les intégrer sur le marché du travail plus rapidement : l’institut de recherches économique allemand DIW estime que 90 % des réfugiés resteront sans travail au cours des deux premières années suivant leur arrivée et qu’à peine la moitié d’entre eux travailleront après cinq ans126. Enfin, la chancelière a été sous pression à la fois dans son propre parti, où de nombreuses voix se sont fait entendre contre sa politique migratoire, mais également à cause de la montée rapide du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland.

Il ne faudrait pas pour autant en conclure que les partis nationalistes comme la N-VA ne représentent plus les intérêts des grandes entreprises et que l’époque où Bart De Wever disait « le Voka127 est mon patron » est révolue. Si De Wever a ouvertement remis en question la Convention de Genève, il a également plaidé pour une politique migratoire sélective, à l’image de celle du Canada, devant ses amis du… Voka : « Dans un pays comme le Canada, une part importante des migrants est active : ils ont été sélectionnés et y sont entrés sur la base de profils spécifiques. L’Europe, en revanche, compte un très grand groupe de migrants passifs, qui viennent dans le cadre […] de l’asile. […] Un réfugié syrien sur dix à peine dispose des compétences nécessaires pour être immédiatement intégré dans le monde du travail128. » Le Canada se singularise en effet par une politique migratoire qui sélectionne les migrants dans leur pays d’origine, et qui, depuis janvier 2015, repose directement sur les besoins et intérêts exprimés par les employeurs129.

Le racisme activement diffusé par la N-VA permet de diminuer les salaires des travailleurs d’origine étrangère, souvent concentrés dans certains secteurs économiques. Comme l’explique l’historien marxiste Immanuel Wallerstein, le racisme « justifie que soit attribuée une rémunération de loin inférieure à celle que le critère méritocratique pourrait jamais justifier130 ». Mais ce problème concerne en réalité l’ensemble des travailleurs, car si un groupe n’a pas les mêmes conditions de travail que les autres, c’est l’ensemble des salaires et des conditions de travail qui sont tirés vers le bas. C’est pour cette raison que la revendication d’une égalité des droits sociaux et salariaux entre les travailleurs nationaux et les travailleurs immigrés constitue une constante dans l’approche syndicale. Le grand socialiste français Jean Jaurès mettait déjà en garde en 1908 contre le danger de division de la classe ouvrière dans sa lutte face au capital131. Ce n’est donc ni pour protéger la sécurité sociale ni pour protéger les travailleurs flamands que Bart De Wever a proposé de créer un statut spécifique pour les réfugiés, avec moins de droits sociaux et avec une limitation de l’accès aux allocations familiales ainsi qu’une limitation du regroupement familial et de la durée de séjour. Les économies que peuvent représenter ce sous-statut sont très faibles pour la sécurité sociale, l’intérêt est surtout de diviser le monde du travail : lorsque les réfugiés lutteront pour des droits sociaux comparables à ceux des autres travailleurs, ceux-ci se sentiront moins concernés et les soutiendront moins facilement. Et le phénomène inverse se produira lors des luttes des travailleurs nationaux contre le détricotage de leurs droits sociaux.

Une tout autre logique est nécessaire pour résoudre la crise des réfugiés

Nous avons besoin de revendications démocratiques et sociales rompant radicalement avec la logique actuelle et permettant de donner à l’Europe une autre perspective que la politique actuelle, besoin de revendications qui entrent dans le cadre d’une vision de l’Europe de la coopération et de la solidarité, d’une Europe qui limitera le nombre de personnes obligées de fuir la guerre en adoptant une politique de paix et qui accueillera les personnes dans le besoin.

Une politique de paix

Tenter de résoudre la crise des réfugiés sans stratégie de paix revient à éponger avec le robinet grand ouvert. L’UE doit s’opposer à la politique de l’Otan en cessant ses interventions militaires dans la région, elle doit mettre en place un embargo sur la vente d’armes vers des pays comme l’Arabie saoudite, qui soutiennent des groupes terroristes, et elle doit mettre tout son poids dans la balance pour soutenir une solution de paix inclusive et négociée en Syrie et en Irak.

Un corridor humanitaire et un plan de répartition européen

Conformément à la Convention de Genève, chaque personne fuyant la guerre doit pouvoir introduire une demande d’asile en Europe en toute sécurité. Des centres d’accueil sous le contrôle de l’UNHCR, permettant d’enregistrer les réfugiés et ensuite de les envoyer en Europe à travers un corridor humanitaire, doivent être mis en place, ce qui mettrait ainsi immédiatement fin aux business des passeurs. Une fois en Europe, les réfugiés doivent être répartis entre les États membres en fonction de leur force économique et de la préférence des demandeurs d’asile.

Une taxe sur la migration du capital pour financer la migration humaine

Selon les calculs de la Banque nationale de Belgique, le coût de l’accueil des réfugiés dans ce pays approcherait 2,5 milliards d’euros pour la période 2015-2020, en y incluant les allocations sociales octroyées132, soit une moyenne de 500 millions par an.

Une taxe de 0,05 % sur les transactions financières, appliquée au niveau européen, en excluant les transactions de moins de 10 000 euros effectuées par les particuliers, pourrait rapporter 200 milliards d’euros par an. Il s’agit des transactions sur des instruments financiers : actions, obligations, contrats dérivés, changes interbancaires. Les recettes de cette taxe sur la migration du capital permettraient de financer la migration humaine de ceux et celles qui fuient les horreurs de la guerre. Les recettes seraient réparties entre les États membres en fonction du nombre de réfugiés accueillis tandis que le surplus pourrait être investi dans la coopération au développement et pourrait permettre de prévenir de nouvelles crises. Cette taxe pourrait ainsi être un premier pas vers une Europe de la solidarité et de la coopération.

L’implication des organisations des travailleurs

La place et l’importance des organisations syndicales en Europe sont un atout important dans la gestion de l’accueil des réfugiés et de leur intégration sur le marché du travail. Seuls les syndicats peuvent en effet s’opposer à ce que les réfugiés soient utilisés par le patronat pour casser les conditions de salaire et de travail dans certains secteurs. Pour cela, ils doivent pouvoir être impliqués dans tout ce qui concerne l’accès des nouveaux arrivants sur le marché du travail et également pouvoir faire un travail de sensibilisation auprès des travailleurs nationaux.

Seule l’unité de toutes les composantes du monde du travail, travailleurs nationaux comme réfugiés, permettra de mettre un terme à la dégradation continue des conditions de travail de tous et d’éviter que les réfugiés ne soient utilisés dans ce but.

Maxime Vancauwenberge (vancau.max at gmail.com) est diplômé en sciences du travail de l’Université libre de Bruxelles.


76 Amnesty International, « Des expulsions illégales de réfugiés syriens en danger », 1er avril 2016.

77 HCR, « Le HCR appelle à mettre en oeuvre des garanties avant le début des retours », 1er avril 2016.

78 L’Écho, 26 mars 2016.

79 De Standaard Weekblad, 12 mars 2016, p. 50.

80 Eurostat, « Asylum in the EU Member States. Record number of over 1.2 million first time asylum seekers registered en 2015. Syrians, Afghans and Iraqis : top citizenships », 4 mars 2016.

81 Rapport du 14 septembre 2015 fait au nom de la commission de l’Intérieur, des affaires générales et de la fonction publique, échange de vues avec le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration sur les mesures du gouvernement concernant l’accueil du nombre croissant de demandes d’asile, p. 4.

82 La Libre Belgique, 15 février 2012. (nos italiques.)

83 Pour plus d’informations à ce propos, lire l’article de Marc Botenga, « L’État islamique au-delà du Moyen-Orient », Études marxistes no 113.

84 Philippe Leymarie, « La grande chasse aux milliards », Le Monde diplomatique, avril 2016.

85 Chiffres UNHCR

86 Hana Jaber, « Qui accueille vraiment les réfugiés ? », Le Monde diplomatique, octobre 2015.

87 L’Écho, 31 mars 2016.

88 Hana Jaber, op.cit.

89 La Turquie ne reconnaît le statut de réfugié qu’aux Européens.

90 De Standaard Weekblad, 12 mars 2016, p. 53.

91 Le Soir, 22 octobre 2015.

92 Benoît Breville, « Haro sur Schengen », Le Monde diplomatique, janvier 2016.

93 Chiffres à la date du 15 mars 2016.

94 Benoît Breville, op. cit.

95 Commission européenne, « Communication from the Commission to the European Parliament, the European Council and the Council. Back to Schengen – A Road map, 4 mars 2016.

96 Commission européenne, « Revenir à l’esprit de Schengen: la Commission propose une feuille de route pour rendre le système de Schengen à nouveau pleinement fonctionnel », 4 mars 2016. (nos italiques).

97 Ibid. (nos italiques).

98 HCR, « Le HCR appelle à mettre en œuvre des garanties avant le début des retours », 1er avril, 2016

99 Ibid.

100 Ibid.

101 L’Écho, 26 mars 2016.

102 Amnesty International, « Des procédures cache-misère pour des expulsions collectives », 16 mars 2016.

103 Amnesty International, « Turquie. L’UE complice de graves violations au droit d’asile », 16 décembre 2015

104 L’Écho, 19 mars 2016.

105 Amnesty International, « Des expulsions illégales de réfugiés syriens en danger », 1er avril 2016

106 Marie-Pierre de Buisseret, « Asile, contrôle des frontières et migration légale dans l’Union européenne », Études marxistes no 102.

107 Rapport du 21 mars 2016 fait au nom de la commission de l’Intérieur, des affaires générales et de la fonction publique, Échange de vues avec M. Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE (Frontex), p. 5.

108 Frontex, « budget 2015 », 7 mars 2015

109 Rapport du 21 mars 2016, op. cit., p. 8.

110 La Libre Belgique, 19 mars 2016.

111 Eurostat, « Asylum in the EU Member States. Record number of over 1.2 million first time asylum seekers registered en 2015. Syrians, Afghans and Iraqis : top citizenships », 4 mars 2016

112 L’Écho, 29 mars 2016.

113 De Tijd, 29 mars 2016.

114 Commission des Communautés Européennes, « Communication de la Commission. Programme d’action relatif à l’immigration légale », 21 décembre 2005.

115 C’est-à-dire possédant un diplôme d’études supérieures reconnu, ou ayant au moins trois ans d’expérience professionnelle, un contrat de travail ou une offre d’emploi d’au moins un an avec un salaire brut supérieur à trois fois le salaire minimum en vigueur dans l’État membre.

116 Pour plus d’informations à propos de ces directives européennes, consulter Marie-Pierre de Buisseret, op. cit.

117 Commission européenne, « Un agenda européen en matière de migration », 13 mai 2015 (nos italiques).

118 Chiffres Eurostat.

119 Toutes les demandes d’asile ne seront par ailleurs pas acceptées. En Belgique, le taux de reconnaissance était de 60 % en 2015, mais seulement de 22 % en 2012.

120 Chiffres Eurostat.

121 La Libre Belgique, 15 décembre 2015.

122 Rapport du 22 octobre 2015 fait au nom de la commission de l’Intérieur, des affaires générales et de la fonction publique, Audition du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides sur la problématique de l’asile, p. 11.

123 Gareth Dale, « A World Without Borders. The refugee crisis only has one just solution: open borders. », Jacobin, 21 septembre 2015.

124 Gregory Mauzé, « Le choix du capital », Politique, mars-avril 2016, p. 32.

125 Hassan Bousetta, Jean-Michel Lafleur et Marco Martiniello, « Permanence de l’utilitarisme », Politique, mars-avril 2016, p. 29.

126 L’Écho, 16 février 2016.

127 Le Voka est la très agressive organisation patronale flamande.

128 N-VA, « Discours de Bart De Wever au Voka », 6 janvier 2016. (Nos italiques)

129 Thomas Delage, « Canada : l’immigration au cœur des enjeux économiques ? », Diplomatie GD, février-mars 2016, p. 83.

130 Immanuel Wallerstein, cité dans Gregory Mauzé, « Le choix du capital », Politique, mars-avril 2016, p. 34.

131 Ibid., p. 35.

132 Banque Nationale de Belgique, « Communication de Mme Marcia De Wachter, Vice-présidente du Conseil supérieur de l’emploi : Conséquences économiques de l’afflux de réfugiés en Belgique », 24 février 2016.

 

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