En juillet 2017, nous avons organisé un voyage au Liban pour 16 bénévoles d’Amitié Sans Frontières.
Pourquoi le Liban ? Car nous avons voulu voir et comprendre la situation des réfugiés dans ce petit pays de 4 millions d’habitants qui compte presque 2 millions de réfugiés : 500 000 Palestiniens depuis 1948 (date de début de l’occupation par Israël) et 1,5 millions de Syriens depuis 2011 (date de début de la guerre en Syrie). La situation actuelle est proche de la saturation et les conditions humanitaires sont déplorables.
- Des centaines de milliers de familles syriennes vivent dans des tentes de fortune depuis 6 ans. Ils doivent louer leur emplacement à des propriétaires (50$ par mois). Dans ces camps, les grandes ONG sont absentes. Pas de soins et pas de scolarité pour les enfants. Pour toute une génération, l’absence d’apprentissage des rudiments de la vie en société aura des conséquences dramatiques.
- Des milliers d’autres tentent de s’installer dans les villes. Nous avons rencontré des enfants qui travaillent dans la rue plus de 12 heures par jour pour quelques dollars. L’exploitation et la débrouille sont le quotidien pour ces familles qui ne pensent qu’à survivre le temps que la guerre finisse. Mais même lorsque les combats se seront arrêtés, il sera impossible pour la plupart des familles de retourner dans leur pays : les villages et les quartiers sont complètement rasés, l’économie est détruite et le risque de représailles contre ceux qui ont déserté ou qui auraient choisi le “mauvais camp” est bien trop élevé. Depuis plus de 2 ans, le Liban – tout comme la Jordanie voisine – a fermé ses frontières : les réfugiés n’ont plus de droit de séjour, ils doivent s’acquitter de grosses sommes pour payer les passeurs (environ 600$) et pour avoir des papiers qui ne sont valables que quelques semaines (plusieurs centaines de dollars). Quand ils sont attrapés par la police, ils sont battus et mis en prison. Pour toutes ses raisons, “l’accueil dans la région d’origine” est actuellement impossible pour la plupart d’entre eux.
- Des dizaines de milliers de Palestiniens vivent dans des camps plus ou moins fermés depuis 70 ans. Ils s’organisent entre eux, indépendamment de L’État libanais. Chaque nouvelle génération construit un étage supplémentaire. Ils continuent d’espérer et de lutter pour le droit de retourner en Palestine. Ils ont gardé les clés de leurs maisons, même si ces dernières ont été rasées. Au Liban, les Palestiniens n’ont toujours pas de droits (propriété, travail, participation, etc).
Cette saturation a de lourdes conséquences sur L’État qui peine à se reconstruire lui-même après des décennies de guerre civile, d’invasions par Israël et d’interventions étrangères. Pour les Libanais qui ont une longue tradition d’accueil et de solidarité à l’égard des réfugiés, la situation est également de plus en plus critique : le chômage et les inégalités atteignent des records, de quoi faire germer les divisions. Les services publics, au premier rang desquels la santé, les transports et l’éducation, sont aux abonnés absents. Dans le pays, c’est le secteur privé et son libre marché qui sont rois. Une petite minorité profite de l’arrivée des réfugiés pour baisser les salaires et les conditions de travail, tout en augmentant les prix des denrées, des services de base, et de l’immobilier.
Nous avons également voulu rencontrer de nombreux acteurs engagés pour comprendre les causes de ce drame qu’est la migration forcée. Dans cette région du monde, la guerre fait rage et se répand de manière inédite : Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Palestine, Yémen… Le point commun entre tous ces pays, c’est d’être situés dans une région riche en ressources que les grandes puissances économiques étrangères convoitent. Après la décolonisation, les grandes entreprises américaines et européennes ont commencé à pousser leurs gouvernements à mener une politique de déstabilisation, de division et d’invasion militaire, jusqu’à l’installation de régimes “libéraux” qui leur seront favorables. Résultat : là où il existait des États forts et indépendants – parfois dictatoriaux – avec des infrastructures et des services publics accessibles et efficaces (santé, éducation, logement), il ne règne plus que la violence, le chaos et la misère. La fuite est devenue une question de survie pour les familles et la seule perspective d’avenir pour les jeunes.
Finalement, nous avons également tenu à soutenir des initiatives locales. Les bénévoles sur place s’organisent tant bien que mal pour aider les réfugiés. Ce sont des personnes extraordinaires qui font un boulot indispensable. Grâce à vos dons et grâce à nos ventes de dattes sur les marchés, nous avons pu répartir 1500€ à ces associations bénévoles. Par notre présence active et nos jeux avec les enfants, nous avons montré que nous sommes solidaires et que le reste du monde n’oublie pas les réfugiés du Liban. Cela leur donne un peu de courage et d’espoir. Ils espèrent que leur situation ne sera pas oubliée, qu’elle sera connue dans le reste du monde et que l’on pourra pousser nos gouvernements à investir dans la diplomatie et la paix plutôt que dans la guerre.
Résumés du voyage et témoignages jour après jour par Loïc Fraiture :
- 1er jour au Liban. Rencontre avec Robert Fisk, célèbre journaliste de terrain spécialisé sur le Moyen-Orient (Times, Telegraph).
- 3ème jour au Liban. Visite du sud du pays avec Souha Bechara, résistante de gauche contre l’occupation israélienne.
- 4ème jour. Visite du camp palestinien de Chatilla (quartier de Beyrouth).
- 6ème jour. On quitte Beyrouth pour Saïda. Quelques impressions à mi-voyage.
- 7ème jour. Ville de Saïda et quartier de Wadizein.
- 8ème et 9ème jours. Camp de Ein El Halwey.
- 11ème et 12ème jours. Camps de la vallée de Beeka.